la route ouverte

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mon cheminement en soins infirmiers

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point final (bleu) d’une 7e semaine de stage

Les vendredis matins sont toujours sujets à la même routine: le lavage des uniformes, bas, bobettes et tshirt portés la semaine en stage. Toujours exactement 18 morceaux, lavés à l’eau chaude pour tuer tous les méchants micro-organismes. Ce vendredi matin n’a pas fait exception. Même si je suis fatiguée de cette dernière semaine de stage sur le quart de jour en chirurgie abdominale, je dois dire que tout s’est étonnamment bien déroulé.

En fait, je me rends compte que j’ai passé une bonne semaine, car j’ai souri avec attendrissement (!) en trouvant cet objet au fond de la laveuse, après avoir sorti les vêtements:

 

salle d’opération

Lors de notre orientation à HMR, nous avons fait la visite des salles d’opération, de sorte qu’au moment où nous y serions assignées en observation, nous aurions déjà eu le plus gros des informations. Cette visite rapide m’a laissée passablement perplexe. Toutes habillées de suit jetables en papier et avec nos masques de papier, nous tentions de faire entrer tous nos cheveux sous le petit bonnet à l’élastique éventé; en effet, l’infirmière qui nous faisait visiter avait mentionné 6 ou 7 fois qu’un seul cheveu qui vole dans l’air peut avoir des conséquences dramatiques. Or, tout le temps de la visite nous avons pu observer son toupet qui dépassait du chapeau, son maquillage outrancier incluant des brillants sur les joues, ses ongles longs et vernis et ses sandales crocs.  Ce n’est pas comme si c’était extraordinaire: nous n’avons croisé personne d’autre que nous portant un masque dans la zone dite « semi-stérile » alors qu’il est sensé être obligatoire. Ce n’était pas la première fois que l’environnement hospitalier m’inspirait une réflexion dubitative au sujet des principes d’asepsie proclamés et de leur application effective.

C’était mardi dernier que se passait mon expérience d’observation en salle d’opération. La plupart de mes camarades sont revenues très excitées par cette séance. Personnellement, je me demandais ce que j’y verrais de plus que ce qu’on voit dans les documentaires scientifiques, à la télé ou encore sur les nombreux vidéos disponibles sur les sites web spécialisés ou sur youtube.  Je devais me présenter au bloc opératoire à 12h30 pour assister à une hémicolectomie puis suivre le patient en salle de réveil.

Ainsi, en ce qui concerne l’opération proprement dite, je l’ai suivie sur un écran finalement, comme je l’aurais fait chez moi. Toutefois, comme je suis surtout intéressée par la découverte des milieux de travail, par les conditions dans lesquelles travaillent les soignants, médecins et infirmières, dans les différentes sphères reliées à la santé,  j’ai beaucoup appris lors de cette journée d’observation car je ne connaissais rien de tout cet environnement. Je me doutais qu’il ne s’agirait pas d’un type de travail que j’aimerais faire, mais je gardais l’esprit ouvert, on ne sait jamais.

Au bout du compte, j’ai été assez frappée par la déshumanisation du travail en salle d’opération. Même si tous les efforts sont faits pour améliorer ou sauver la vie du patient, celui-ci n’est pas vraiment présent lors de l’opération, en ce sens qu’on n’a pas l’impression qu’un lien existe entre le patient qui s’est couché sur la table et le corps ouvert qui git sous les instruments du chirurgien. L’atmosphère était plus respectueuse que ce à quoi je m’attendais; la musique n’était pas trop forte (radiohead, Jack Johnson, pas pire …!) et il n’y avait pas trop de bavardage : la plupart des conversations concernaient le travail en cours ou des sujets connexes.

Yves BenDavid était le chirurgien lors de l'intervention à laquelle j'ai assisté

En ce qui a trait aux responsabilités des infirmières, le travail m’a vraiment paru être celui d’une technicienne. À la rigueur, il me semble qu’un préposé, formé de manière spécifique, pourrait exécuter le même travail, i.e. installer les instruments de manière aseptique puis les passer au chirurgien à sa demande. Même si le chirurgien de mon stage était très poli, il reste qu’il commande et l’infirmière fait ce qu’il dit. Comme il n’y a aucune surveillance clinique requise de la part des infirmières, ce travail fait peu appel au jugement et ne permet pas beaucoup d’initiative ou d’autonomie, même pas du tout d’après ce que j’ai vu. Pendant que j’assistais à l’opération, je me disais : « voilà exactement le rôle que certains médecins aimeraient sans doute voir les infirmières garder, celui d’une exécutante à leur service ». Deux secondes après que la dernière agrafe eut été installée, le chirurgien avait déjà quitté la salle avec son résident, et les infirmières couraient partout pour ramasser tous les instruments, faire le décompte, faire le ménage. Je comprends par contre qu’il peut être « reposant » en quelque sorte d’effectuer un travail plus technique, qui implique moins de responsabilité et d’organisation, faisant en sorte qu’on puisse l’exécuter d’une manière un peu plus routinière et donc moins épuisante. Plusieurs infirmières m’ont dit que celles qui vont travailler au bloc opératoire ne veulent plus retourner sur les étages … je me demande si le fait de travailler moins de soir et de nuit, et 1 fin de semaine sur 3, 4 ou 5, ne joue pas un rôle dans cette préférence, mais je n’ai pas osé poser la question!

J’ai pu observer plusieurs infirmières au travail dans la salle de réveil qui était bondée. Clairement, le côté relationnel est le laissé pour compte dans ce genre de travail. Ainsi, quand la patiente s’est éveillée et qu’elle a fait part de son soulagement au regard des appréhensions qu’elle avait eues avant la chirurgie, de la hâte qu’elle avait de se lever et de manger, quand elle a pleuré même de joie de s’être « réveillée » car elle craignait l’anesthésie, l’infirmière ne disait pas un seul mot. C’est moi au bout du compte qui ai discuté avec la patiente, tout en prenant ses signes vitaux et en mesurant les divers paramètres. À la salle de réveil, le travail est tout aussi mécanique : il s’agit, d’après ce que j’ai compris et vu, de stabiliser les patients le plus rapidement possible et surtout leur trouver une chambre afin de pouvoir libérer les lits pour les prochains opérés.  Disons que les patients ont intérêt à ne pas être trop angoissés, trop inquiets ou trop bavards! Je repense à la patiente qui devra attendre plusieurs heures, peut-être même plusieurs jours, avant de revoir le médecin qui lui expliquera les résultats de l’opération,  de longs moments à se poser des questions, à s’inquiéter de ce qui adviendra d’elle, ce que sera la suite des événements … il m’a semblé que cette attente dans l’angoisse n’est certainement la meilleure manière de traiter les gens.

le « mérite » scolaire

Hé bien, c’est le temps de la correspondance plaisante: j’ai reçu une invitation du Cégep pour la soirée du mérite scolaire. Je n’ai jamais eu connaissance de cette soirée lors de mon 1e passage au cégep, il faut dire que mes résultats ne m’y aurait pas valu une invitation! L’information que contient la lettre n’est pas très claire, mais après recherches j’apprends que j’aurais maintenu la meilleure moyenne générale du programme de soins infirmiers. Je devrais remplir un questionnaire pour me « présenter » un peu, et désigner une personne significative, employée du cégep, pour venir me remettre le prix lors de la soirée! Tout cela est très protocolaire!!

invitation à la soirée du mérite scolaire

Je n’ai évidemment aucune intention de me présenter à cette soirée. D’abord, ce n’est pas du tout le genre d’événement où je suis à l’aise, je ne peux identifier aucune personne significative employée du cégep qui m’aurait aidée dans mon cheminement, mais surtout je me sens un peu usurpatrice. En effet, si j’ai réussi à conserver (sans le faire exprès d’ailleurs) une bonne moyenne générale, c’est sans aucun doute parce que je n’avais pas à me claquer tous les autres cours obligatoires: philo, français, anglais, éducation physique. Je ne culpabilise pas à cet effet: j’avais déjà fait un dec, il est normal que je ne recommence pas les mêmes cours une 2e fois. Il reste que, pour les filles qui suivent le programme régulier et qui auront réussi à terminer en trois ans sans échouer un seul cours, c’est un véritable exploit qui a été accompli. Peu importe les résultats obtenus et d’ailleurs la plupart des filles que je connais ont d’excellentes notes. Je pense que les étudiants qui effectuent un retour aux études ou un 2e dec, comme moi, auraient dû être exclus de ce programme de méritas. Néanmoins, je suis contente d’apprendre que j’ai eu de bons résultats, après tout le doute que j’ai vécu à la dernière session, ça ne nuit pas de se faire féliciter de temps en temps!

cours de soins ambulatoires: terminé

Voilà un des deux cours de cette session-ci terminé et réussi. En fait, le cours de soins ambulatoires en ce qui concerne mon groupe s’est résumé à un stage de 9 jours à l’annexe de l’urgence, pour 70%, et à un examen récapitulatif pour 30%. Je trouve un peu dommage que nous n’ayons pas vraiment eu la chance de vivre réellement l’expérience des soins ambulatoires, soit en clsc ou en clinique externe par exemple. Pour se préparer à l’examen de l’ordre, tout ce que nous aurons eu comme formation sur les soins ambulatoires sera une liste de chirurgies avec une bête énumération des soins post-opératoires:  je ne suis pas convaincue que cela soit suffisant, il y aura définitivement beaucoup de travail d’autodidacte à faire!

Le retour de la relâche n’est pas facile. Il faut retrouver la motivation, l’énergie et l’entrain. Il reste 5 semaines de stage en chirurgie abdominale et en chimiothérapie. La session est loin d’être finie.

diversion

Il est essentiel, à mon avis, de ne pas consacrer tout son temps aux seules études et de s’assurer de conserver un niveau adéquat de culture générale et d’intérêt dans les « affaires » de l’humanité, même lorsque les examens et les stages nous préoccupent au plus haut point!  Nous sommes des êtres complexes et toutes les connaissances que nous possédons, toutes les expériences que nous vivons, participent à modeler ce que nous sommes, à guider nos actions. Quand nous sommes bouleversés par une film, quand une lecture nous incite à réfléchir, quand des discussions nous ouvrent l’esprit, tout ce que nous vivons se remet en perspective, bouge et prend un nouveau sens.

Je ne vous assommerai pas avec la liste de mes lectures des derniers mois. Mais je vous suggère la lecture de la page 19 du Monde Diplomatique du mois de février; l’article s’intitule Depuis une chambre à Glasgow, l’auteur est James Kelman, en voici un court extrait:

« La réalité de la lutte politique pénètre rarement dans le débat public. Être engagé, c’est « participer » aux élections, ou adhérer à un parti. Mais quand sont évoquées les stratégies de rechange que l’État est prêt à adopter, chaque fois que c’est nécessaire, il n’y a plus de trace de réaction: qu’en est-il pourtant de la violence subie par les mineurs en grève, le peuple d’Irlande du nord, les immigrés et les demandeurs d’asile? Qu’en est-il des morts en détention provisoire, du racisme institutionnel, de la collusion avec le capital qui permet que des milliers d’ouvriers meurent à la suite de maladies professionnelles et d’accidents du travail? Des baisses d’allocations qui entraînent la montée de l’illettrisme, de la mortalité infantile, de la souffrance des personnes âgées? De l’avilissement de nos jeunes qui, une fois en uniforme, sont entraînés à humilier, torturer et assassiner, puis envoyés à l’étranger afin de protéger et renforcer les intérêts de la classe dirigeante et du capital?  Aujourd’hui, ces problèmes ne sont pas nécessairement « politiques ». Les différences idéologiques entre les partis de gouvernement sont minces, sinon nulles. Les débats de fond portent sur des questions de gestion ».

Scotland II. Red window. Sean Scully

admission à l’université de Sherbrooke

Ça y’est, cet après-midi j’ai reçu un courriel de l’université de Sherbrooke à Longueuil m’annonçant l’acceptation de ma candidature pour l’admission au programme de sciences infirmières en septembre 2011, youpiiii! J’ai sur le champ fait le versement nécessaire pour réserver ma place même si la date d’échéance pour ce faire est le 31 mai:  il n’y a pas d’intérêt à attendre les réponses des autres universités où j’ai envoyé des demandes (McGill et Montréal) puisque Longueuil était mon premier choix.

Ce que j’aime de ce genre de nouvelle, c’est que ça permet de regarder plus loin, ça repousse l’horizon. J’ai un nouvel objectif, un nouveau projet qui se profile au bout de ma session, après mes stages, mes examens et le final d’intégration. Les 9 semaines qui restent viennent de reprendre tout un sens.

CEPI: faire un choix

À la fin de la 5e session, je suis allée passer une entrevue à Ste-Justine, à Maisonneuve et à Notre-Dame. J’ai été « repêchée » par les deux premiers.  Ce qui n’est pas plus mal car cela m’oblige à changer de milieu pour ainsi acquérir de nouvelles compétences tout en ne m’installant pas immédiatement dans le confort du connu. Les conditions offertes sont assez semblables, en paroles à tout le moins: le salaire est le même, bien sûr, et on peut travailler à temps partiel, 8 jours minimum pour Ste-Justine, 7 pour Maisonneuve. Cet aspect pourrait faire pencher la balance pour HMR puisque je ne suis pas intéressée à travailler à temps plein, ni maintenant ni dans le futur d’ailleurs. Maisonneuve a de plus beaux supports à vélos, couverts par un petit abri, et selon le représentant des RH, ils ont décidé de mettre de l’avant un nouveau programme de préceptorat qui jumellera chaque cépi avec une infirmière pour le temps qu’il faut afin de bien orienter les recrues. Il semble que toutes les cépi ayant bénéficié de ce programme l’année dernière ont réussi haut la main leur examen de l’ordre en septembre. Bon. Nous n’avons vu aucune preuve de tout cela, évidemment!

lettre d'embauche de HMR

À Ste-Justine, l’entrevue m’a donné l’impression d’un encadrement très serré, ce qui me rassure un peu je dois dire. Je ne me sens pas tout à fait prête à « plonger » et je doute que je me sente différemment dans quelques semaines. Conséquemment, je ne serai pas malheureuse qu’on prenne le temps de bien m’orienter et pour une fois je serais ravie d’un encadrement style « maîtresse d’école ».  Les deux hôpitaux prétendent offrir une formation pour l’examen de l’ordre, il paraît que les cépi de ste-justine réussissent très bien à ce niveau … je suis étonnée de toutes ces statistiques qui sont tenues relativement à cet examen! Tout le monde veut pouvoir se vanter de quelque chose! J’ai entendu parler d’hôpitaux où finalement les formations pour l’examen se donnaient de fin de semaine, et si tu travailles tant pis, ou encore se donnent en dehors des heures prévues de travail. Nous verrons ce que ces employeurs offrent réellement dans la pratique. Je ne travaillerai bien sûr qu’à un seul endroit mais j’aurai mes espions dans l’autre!

lettre d'embauche de ste-justine

Comment prendre une décision qui serait sage? J’ai un peu regretté ma décision d’externat, j’ai choisi un département qui m’intéressait plutôt que de travailler dans un département où j’aurais pratiqué de nombreuses techniques: je paye ce choix avec un petit retard au niveau technique sur mes consoeurs qui ont beaucoup pratiqué pendant l’été.  J’ai beaucoup appris, mais ce sont des apprentissages qui ne me sont pas utiles pour réussir ma 6e session. HMR m’offre 7 jours/14 et le département de mon choix, soit chirurgie thoracique, un endroit où on progresse beaucoup semble-t-il. Ste-Justine m’offre un environnement nettement plus attrayant et une clientèle avec laquelle je n’ai pas eu l’occasion de travailler encore (à l’exception d’un stage de quelques jours il y a plus d’un an). Mes amies infirmières ont toutes voté pour Ste-Justine. HRM, mal aimé avec son temps supplémentaire obligatoire, ses corridors bondés, son personnel stressé, n’a pas le beau rôle. En plus, avec les stages de cette session-ci, je commence à me tanner de faire le même trajet de vélo tous les jours!

le recrutement, la clé de voûte en enseignement des soins infirmiers

Après 5 sessions complétées,   je peux définitivement poser un diagnostic (!) : la difficulté de recrutement est certainement le talon d’Achille du programme de soins infirmiers au cégep Maisonneuve et une des causes directes des nombreuses lacunes dont souffre ce programme

Contre toute attente, il semble qu’il soit difficile de trouver des postulants pour les postes de professeurs en soins infirmiers. Certaines professeures nous ont expliqué que pour une infirmière avec beaucoup d’expérience, il s’agit d’une baisse salariale significative. Conséquemment, il est plus facile d’attirer des infirmières qui débutent que celles qui ont beaucoup d’années d’ancienneté dans le réseau public, par exemple.  Le manque d’expérience peut entraîner un problème de crédibilité, surtout lorsque les nouveaux professeurs sont amenés à enseigner, en laboratoire, des techniques qu’ils n’ont jamais mises en pratique. Par ailleurs, cela ne représente pas le problème le plus important: celui-ci se situe plutôt dans le manque de rigueur, d’organisation et de connaissances pédagogiques.

En effet, comme on a de la difficulté à recruter, on a abaissé les exigences: le bac n’est plus requis pour enseigner, le DEC et 10 années d’expériences suffisent. Peu nombreux sont donc les profs qui ont étudié en enseignement comme tel et il manque d’encadrement au niveau du contenu des cours qui est souvent rédigé simplement par le prof lui-même. Cela donne des cahiers de cours contenant non seulement des fautes de français mais aussi à l’occasion, du contenu erroné, en contradiction d’autres  informations sur le même sujet reçues en stage, en labo ou dans d’autres cours.  Sans pouvoir se reposer sur des bases pédagogiques, les cours se résument souvent à la lecture ennuyeuse du cahier qui a été produit. Bien connaître un sujet ou bien faire son travail ne garantit pas d’être en mesure de transmettre ces connaissances, malheureusement. La lecture dans le livre ou des diapositives d’un powerpoint se révèle une manière paresseuse et peu engageante de passer trois, quatre ou même cinq heures avec des étudiantes, et il est difficile de se motiver pour assister à des cours dont le contenu est identique à ce qui se retrouve au chapitre correspondant dans le livre. Peu de professeurs présentent un plan du cours en début de séance et des objectifs clairs et précis, avec pour résultat que beaucoup de temps est perdu pendant le cours alors qu’à la fin de la séance,  nous courons pour ne jamais réussir à couvrir tout ce qui était à voir. Au final, il arrive nécessairement que ce qui est questionné à l’examen n’est pas représentatif de ce qui a été offert en cours.

Le salaire n’est pas le seul élément dissuasif lorsque l’on songe à enseigner en soins. En effet, à prime abord on peut penser que les horaires sont plus avantageux que le travail en centre hospitalier, par exemple. Évidemment, on ne travaille pas de nuit au cégep.  Toutefois, il faut être disponible de soir et de jour car on peut être appelé à assumer des charges de cours à la formation continue, et les stages aussi peuvent être de soir: par exemple ma prof à cette session-ci se retrouve à travailler de soir les mardi-mercredi-jeudi et de jour le lundi.  Il y a aussi beaucoup de travail non payé, comme lorsque les profs doivent se rendre à l’hôpital la veille des stages pour « choisir » les patients des étudiants pour la semaine, lorsqu’ils doivent être « orientés » par le personnel de l’hôpital, ou pour toute la planification dont ils s’occupent mais qui devrait plutôt relever d’adjointes administratives.

Lorsque la session a débuté, en janvier, il manquait encore plusieurs professeurs: les entrevues et les embauches avaient encore lieu alors que les cours étaient commencés.  Des stages ont dû être retardés ce qui ajoute un élément de stress vraiment pas nécessaire au cheminement de plusieurs étudiants. La question est la même qu’ailleurs en enseignement, où il faut revaloriser la profession et offrir des conditions de travail qui traduisent vraiment l’importance accordée au geste d’enseigner: comment parvenir à embaucher du personnel compétent quand il n’y a pas de candidatures?

stage à l’urgence: impressions finales

Le stage à l’urgence, dans le cadre du cours « pratique infirmière en milieu ambulatoire » s’est terminé jeudi soir dernier. Au menu: un examen valant 30% de la note finale et les quatre dernières heures de 8 jours de stage à l’annexe de Maisonneuve-Rosemont. Après avoir compris comment le département fonctionne, localisé les équipements et appris les noms de 2 ou 3 personnes, nous nous sommes adaptées et le stage ne s’est pas trop mal passé au final, d’autant plus que nous avons vraiment été super bien accueillies par l’équipe. Nous avons rencontré des cépi qui ont échoué l’examen de l’OIIQ en septembre dernier, ce qui est quand même stressant puisqu’ils avaient l’air super compétents! Ils avaient tous (3) échoué la partie théorie, remettant en question le sentiment que nous avions que seuls les écos étaient angoissants! Ils ont été assez gentils pour nous remettre la liste des situations d’écos qu’ils ont eu à travailler, pour le samedi et pour le dimanche. Par ailleurs, nous avons aussi travaillé avec l’infirmière qui est arrivée 2e au même examen, ce qui signifie que rien n’est impossible!

D’autres groupes iront faire le stage « ambulatoire » en clinique externe, ce qui me semble beaucoup plus pertinent comme expérience: dans notre cas, surtout à l’annexe où les patients ont été stabilisés, il n’y avait pas vraiment de différence avec le travail sur une unité. Les patients demeurent souvent 3 ou 4 jours sur la civière dans le corridor, on doit prendre leurs signes vitaux, administrer la médication, exécuter certaines techniques.  Ils quittent l’urgence non pas pour retourner à la maison mais pour la plupart d’entre eux vers un « étage » où une chambre s’est libérée.  Il ne s’agit pas vraiment d’une expérience en service ambulatoire comme tel. Dans cette optique, on peut dire que tout au long de ces trois années, les stages auront vraiment mis l’accent sur le milieu hospitalier dans des départements de chirurgie ou de médecine. Nous n’aurons rien vu d’autres milieux de la santé, par exemple les clsc, les chsld, les centres de réadaptation (1 ou 2 groupes de 6 étudiantes sont allés à l’institut de réadaptation), les cliniques externes et même d’autres endroits où des infirmières pratiquent, comme les centres de détention ou les écoles. Pourquoi en est-il ainsi? Il semble très compliqué d’obtenir des « milieux de stage » pour les écoles, pour le cégep Maisonneuve en tout cas, cela semble être une logistique très complexe, on nous le répète constamment. De nombreux étudiants des cégeps et des universités doivent aller en stage dans les hôpitaux des environs et c’est une course contre la montre à chaque début de session pour réussir à placer tous les étudiants. C’est un drôle de fonctionnement que je vais tenter d’éclaircir pour vous l’expliquer d’ici la fin de la session.

Je dois dire que je n’ai pas détesté le stage à l’urgence. J’ai eu l’occasion de faire 4 heures d’observation au triage et 4 heures d’observation aux « chocs », où on tente de stabiliser les patients qui arrivent par exemple en infarctus, surdose ou hémorragie. Est-ce que je travaillerais à l’urgence? Difficile à dire pour le moment, je ne me sens pas les compétences requises. Je crois que j’aurais peine à m’adapter à la mentalité qui est de régler le problème pour lequel le patient est entré sans se soucier des autres problématiques, puisqu’on n’a pas beaucoup de temps et qu’on est toujours dans le jus. Cela demande sûrement une adaptation. Par ailleurs, à Maisonneuve-Rosemont, bien que cela ait beaucoup diminué dans la dernière année, le temps supplémentaire obligatoire est une réalité qu’il faut bien prendre en compte avant de postuler. Je dois dire tout de même que tous les infirmiers et infirmières que j’ai rencontrés durant mon stage adoraient travailler à l’urgence, et en dépit des conditions difficiles, ils m’ont tous dit qu’ils ne travailleraient pas ailleurs.

leçon de stage

En stage à l’urgence, j’ai rencontré N., une infirmière de 40 ans qui travaille depuis des années à l’urgence de Maisonneuve, via les services d’une agence. Elle est employée dans un autre hôpital montréalais où elle travaille 5 jours sur 2 semaines (ce qu’on appelle familièrement « 5/quinzaine, même si 2 semaines c’est 14 jours!), incluant la fameuse fin de semaine sur 2, et elle donne des disponibilités à son agence pour travailler 6 jours de 16 heures à Maisonneuve. Six jours de seize heures!!!! En chiffres ou en lettres, c’est une donnée insensée. Au total, elle travaille donc 11 jours sur 14, mais pour un total hallucinant de 18 quarts de travail!!! Elle commence à 8h pour terminer à minuit et reprendre le lendemain matin. En calculant 2 heures pour manger, laver ses uniformes et se déplacer (ce qui est quand même conservateur comme chiffres …), il lui reste un bon 4 heures de sommeil pour les journées où elle travaille.

Quand je lui demande si elle n’a pas peur de faire une erreur ou de laisser passer quelque chose pendant les dernières heures de son « double », elle me dit qu’elle accroît sa vigilance pendant le 2e quart. Quand je lui demande pourquoi elle travaille autant, elle me répond que son mari est médecin et lui-même souvent absent et qu’elle aime beaucoup son travail.  Quand je lui demande pour combien de temps elle compte travailler autant, elle admet, l’air gêné, qu’elle se dit toujours que ce ne sera plus que pour quelques mois mais cela fait quatre ans qu’elle tient ce rythme. Au-delà de la prise de conscience de l’extrême fragilité d’un système qui repose sur les épaules de la folie d’infirmières et de médecins prêts à travailler 70 ou 80 heures par semaine,  mon esprit a continué à ressasser  cette discussion que nous avons eue à voix basse,  dans la pénombre du corridor de l’urgence, assises sur des chaises pliantes entre deux civières.

Je pense que le travail d’infirmière peut être passionnant. Déjà en stage, les heures filent et on ne s’ennuie jamais. On apprend tous les jours de nouvelles choses, c’est un métier stimulant intellectuellement, enrichissant psychologiquement et exigeant physiquement. Mais il me semble qu’on a une vie bien triste quand on n’a que notre travail pour la remplir. Il me semble aussi que tout le reste, les amis, les voyages, la nature, les sorties, les lectures, les rencontres, le cinéma, l’amour, le sport, tout ce que l’on vit en dehors de notre travail nourrit notre humanité et participe à faire de nous des soignants en mesure de survivre à la souffrance que nous côtoyons tous les jours, sans trop nous user, nous blesser nous-mêmes.  Et par le biais de cette rencontre avec N., la grande leçon de mon stage à l’urgence m’apparaît déjà limpide: ne pas se laisser avaler tout rond par le travail, ne pas se laisser dévorer par le stress, ne pas se laisser tenter par l’avidité, ne pas oublier ce qui est vraiment important, ne pas me laisser emporter par le courant trop fort, ne pas abandonner ma vie.