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l’apprentissage et le doute

Soirée éprouvante à l’hôpital mercredi dernier. On nous a assigné des patients.  Nous sommes deux étudiantes dans une chambre où arrive une patiente qui vient d’être opérée. Elle a un cancer à un stade avancé, les médecins ont déclaré forfait, elle est installée dans une chambre privée afin que ses proches puissent la veiller s’ils le désirent. Nous devons prendre ses signes vitaux régulièrement et surveiller tous les paramètres habituels post-op. Mais en plus, nous prenons le temps de parler avec elle car elle nous confie à plusieurs reprises être désemparée, être surprise, ne plus savoir quoi faire. Elle vient d’apprendre qu’il lui reste peu de temps à vivre et c’est un grand choc (elle est décédée le vendredi matin, finalement).

Toute la soirée se passe relativement bien, nous effectuons plusieurs techniques. Toutefois, vers la fin de la soirée, aux alentours de 23h00, nous sommes soudainement dans le jus. De nouvelles choses sont à faire pour cette patiente, il faut aussi inscrire nos notes dans les deux dossiers, faire le calcul de tous les dosages, faire une dernière tournée, changer un pansement, donner le rapport … il est bien passé minuit lorsque nous terminons.

En arrivant chez moi, je suis découragée et surtout très déçue. Je me demande si c’est vraiment cela le travail des infirmières: courir partout sans arrêt pour pallier au plus urgent, entrer dans une chambre pour faire une injection tellement rapidement que le patient n’a le temps de se rendre compte de rien, ne pas avoir 10 min à consacrer pour parler avec une patiente mourante qui est angoissée, être obligée de tourner les coins ronds pour parvenir à tout faire dans les temps, négliger les aspects qui ne sont pas directement reliés aux techniques ou aux soins physiques pour maximiser ses chances de terminer à l’heure, travailler 30 minutes gratuitement tous les jours parce qu’il faut arriver 15 minutes plus tôt pour prendre le rapport et terminer 15 minutes plus tard pour le donner …

Je ne veux pas travailler de cette façon. Courir partout sans réfléchir, couper la parole au patient lorsqu’il me confie ses craintes, m’impatienter lorsqu’il pose 2-3 questions après que je lui aie donné ses médicaments, devoir expliquer via l’interphone que je ne peux pas être à la fois en train de faire une ponction veineuse dans une chambre, une glycémie dans une autre chambre et un cathétérisme dans une troisième chambre. Je ne veux pas être obligée de bâcler mon travail dans un objectif de productivité, je ne veux pas travailler dans un hôpital comme sur une chaîne de montage et je crains qu’il n’y ait pas d’autre façon de faire.

Arrivée chez moi à minuit quarante, j’ai passé plusieurs heures à réfléchir à cette question et j’ai tenu mon chum éveillé avec mes doutes et mes angoisses. Le reste de la semaine s’est toutefois bien passé et samedi j’ai pu faire le vide en kayak sur le fleuve. Il ne faut pas que j’oublie de ne pas constamment penser aux soins et à l’avenir.

mon amoureux

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3 Responses to “l’apprentissage et le doute”

  1. 1
    Daniel:

    C’est bien triste tout ça. Vraiment. :-(

  2. 2
    Julie:

    Bonjour Stephanie,

    as-tu pensé à travailler en psychiatrie, puisque là, l’essentiel de ton travail sera de pouvoir faire verbaliser les patients et faire de l’écoute active?
    Bonne Journée

  3. 3
    admin:

    Bonjour Julie!
    J’ai eu mon stage en psychiatrie à la session dernière. J’ai plutôt trouvé que l’essentiel du travail consistait à donner de la médication. De toutes les manières, ce que je constate est plutôt la difficulté à envisager la personne dans son ensemble, d’une manière globale en incluant tous les aspects qui la composent. Cette difficulté ne découle pas seulement des carences de la formation à ce niveau (en soins comme en médecine) mais aussi et peut-être surtout d’autres facteurs, comme le refus de faire face à nos propres angoisses et le manque de personnel et de ressources. L’idée que nous avons de la santé, comme soignants et comme citoyens, se réduit souvent à une négation: la santé, c’est lorsque nous ne sommes pas malades. Or cette perception entraîne un douloureux sentiment d’échec lorsque la guérison n’est plus possible, ce qui sera de plus en plus le cas dans les années à venir, avec la hausse des maladies chroniques et le vieillissement de la population. Pour parvenir à réellement soigner les personnes, il faut absolument que nous parvenions à les considérer dans leur ensemble, à les connaître et à les comprendre. Je te recommande, à ce sujet, le très beau livre de Serge Daneault, « souffrance et médecine ». bye!

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