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mon cheminement en soins infirmiers

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tout s’en va

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Vendredi 24 avril. Nous avons les mêmes patients que la veille, ce qui facilite toujours un peu le travail: on connaît déjà la médication, les caractéristiques et les habitudes du patient. Mais le métier d’infirmière n’en est pas un routinier: en prenant le rapport du matin, j’apprends que « ma » patiente a passé une fort mauvaise nuit. On lui a fait des examens, installé un tube naso-gastrique, un soluté et une sonde vésiculaire, et on lui a remis la canule nasale pour l’oxygène car elle respire avec beaucoup de difficulté. Elle est en isolement, on soupçonne peut-être un cdiff ….. ouin …. ce n’est pas la matinée  à laquelle je m’attendais. Les infirmières ont un air grave pendant qu’elles me parlent. On prend les signes vitaux aux 30 minutes, la saturométrie (oxygénation) aussi, et on ajuste le débit d’oxygène, mais en vain. Je prends le pouls à l’apex car on n’arrive plus à le prendre au poignet, on n’arrive plus non plus à lire la pression artérielle ….. Finalement, on ne peut plus prendre la saturométrie: ses doigts sont glacés et complètement bleus.  Nous sortons de la chambre, après avoir installé le masque au lieu de la canule nasale, et nous sommes à quelques pas de la porte à discuter des choses à faire; l’infirmière responsable de ma patiente vient me chercher: la famille qui avait été appelée au chevet croit que la dame est décédée. L’infirmière me demande si je veux entrer et participer aux soins à administrer. J’accepte. Nous enfilons blouse et gants, et entrons, avec l’infirmière auxiliaire. Nous prenons les signes vitaux, pour confirmer le décès bien que seul le médecin puisse le constater officiellement. Nous retirons les cathéters, les sondes et les tubes. Puis, avec la préposé, nous fermons les yeux et la bouche, lavons la patiente et changeons sa jaquette, son piqué, ses taies d’oreillers ….

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Je sors ensuite boire un café dehors. En passant devant la réception, je croise la famille à qui je raconte quelques anecdotes de la journée passée la veille avec la patiente.  Ils me remercient plusieurs fois, ils sont gentils. Tout ça est arrivé terriblement vite, c’est surtout ce qui me choque. La veille elle enguirlandait la physiothérapeute en lui disant qu’elle voulait retourner chez elle, et cette nuit: pouf! son état se dégrade et ce matin elle décède. À plus de 80 ans, on sait que les gens sont plus fragiles et qu’ils peuvent partir pour un oui ou pour un non, mais je suis quand même étonnée de la rapidité avec laquelle cela s’est passé. Et de la banalité de l’affaire aussi …. un instant on est là, un instant on n’y est plus. En regardant le Parc Lafontaine, assise dans les marches de l’hôpital, je me dis que j’aimerais mieux ne pas mourir ainsi …. dans l’environnement hospitalier …. je réfléchis beaucoup à ce sujet, aux conditions des patients, à notre manière de traiter les gens et la maladie ….

Néanmoins, je ne suis pas mécontente d’avoir vécue cette expérience, même s’il vaudrait mieux que personne ne meure à l’hôpital: la réalité est que la mort, comme la souffance, fait partie de ce métier, et il faut savoir si on est en mesure de l’affronter avec professionnalisme et sang-froid.

Je me suis sentie assez  incompétente pendant les moments où la situation était critique, mais je sais bien que c’est tout à fait normal, je n’ai pas d’expérience et je suis encore un peu insécure (pas mal insécure en fait!).  Par contre, ce que cette mise en situation inattendue m’a fait réaliser est que chacun de nos gestes comptent: chaque soin, chaque effort fait pour rendre le patient plus confortable, plus tranquille, tout ce qu’on peut faire pour lui faire du bien, tout est important puisqu’on ne sait pas ce qui va se produire dans les minutes ou les heures qui suivent. Je sais bien que c’est la même chose dans la vie en général. Mais la veille, la patiente m’avait dit, avant que je parte: « vous êtes vraiment très gentille, je vous remercie, vous vous occupez bien de moi », et je l’ai remerciée chaleureusement, mais je ne me doutais pas que cela avait une telle importance.

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2 Responses to “tout s’en va”

  1. 1
    Elaine:

    Salut, ton texte est touchant. C’est totalement vrai, que ça fait une différence, c’est même pas discutable. Dans les moments de souffrance, tout est dix fois plus. Ça fait dix fois plus mal, c’est vrai, mais la petite attention fait aussi dix fois plus de bien. Se sentir rassurer et pas infantilisé quand on est à l’hôpital, c’est très important et ce peut être même un facteur de guérison. Si on doit mourir, j’imagine que ça aide à partir en douceur, et ça, à mon avis, ça n’a pas de prix.

  2. 2
    marie paul:

    je te dire que tu es géniale ,tu est vraiment fait pour ce métier tu es une source d’inspiration bravo

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