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être vieux à l’hôpital

Je ne sais pas si vous lisez la série d’articles de Michèle Ouimet (quasiment la seule journaliste de la Presse maintenant) au sujet du CHUM … j’ai mis les articles sur ma page, y’a qu’à cliquer en haut à gauche sur articles.

La réalité qu’elle décrit, surtout aux urgences, se retouve pourtant sur les étages aussi. Peut-être pas autant de patients dans les corridors mais l’état de délabrement, l’aspect vieux et sale, l’exiguité des locaux et surtout des chambres, le manque de temps pour s’occuper des patients comme il le faudrait, le manque de ressources aussi, et surtout surtout, les vieux qui sont partout, qui occupent la majorité des lits, dans plusieurs unités. Des vieillards démunis, qui ont fait une chute ou ont eu un incident qui les a amenés à l’hôpital d’où ils craignent de ne plus ressortir et ils ont bien raison de le craindre. La plupart y mourront, vraisemblablement, d’autant plus que les chances de contracter une infection nosocomiale sont très élevées et réduisent d’autant l’espérance de reste de vie pour ces patients.

Des vieux qui étaient quand même assez autonomes chez eux, allaient aux toilettes, se faisaient à manger, se déplaçaient dans leur logement, sont à l’hôpital confinés à leur lit, faute de personnel et de temps pour les aider à se déplacer. Ils sont alors vêtus d’une couche, et perdent en 1 semaine ou deux ce qui leur restait d’autonomie. Quand on a 86 ans, c’est toute notre mobilité qui est menacée par 4 ou 5 jours sans pouvoir se lever du lit. On leur donne des antihypertenseurs, des laxatifs (car ne se mobilisant plus, ils sont constipés), des anxyolitiques (car ils sont inquiets et ne dorment pas bien, qui pourrait les en blâmer!), des vitamines (car ils manquent d’appétit, quelle surprise), on leur fait des cathétérismes, car ils ont de la difficulté à se faire à l’idée de pisser dans une couche, donc sur eux-mêmes quand ils sont couchés, ce qui entraîne de la rétention à la longue …

Quand je suis arrivée en stage à Notre-Dame, j’ai été assez étonnée de l’état des lieux. On s’imagine un hôpital comme un endroit propre, aseptisé même, où rien ne traîne, où chacun sait ce qu’il a à  faire, où personne ne court, personne ne botche … la réalité est toute autre. Et ce n’est pas faute de bonne volonté, le personnel est dans l’ensemble dévoué et consciencieux mais les conditions ne permettent tout simplement pas d’offrir les soins requis. Et l’hôpital n’est pas un endroit où parquer les vieux. Ils y perdent rapidement toute leur autonomie, tous leurs acquis, sont laissés à eux-mêmes et perdent le goût de vivre, surtout qu’ils n’ont pour la plupart aucun réseau de soutien. J’ai vu un patient dont la conjointe venait tous les jours à l’hôpital et insistait auprès des infirmières pour savoir à quel moment son mari serait transféré dans un centre de convalescence … tout le monde la trouvait bien fatiguante, reste qu’elle était inquiète de voir son mari perdre de jour en jour un peu plus de l’autonomie qu’il lui restait, et elle avait raison. Elle lui faisait elle-même les soins de base et l’incitait à se lever, se laver, manger … mais peu de vieillards hospitalisés ont cette chance, très peu même.

Tous les soirs en revenant de stage je disais à mon chum: « quand je pense que c’est le sort qui nous attend presque tous, c’est pitoyable ».  J’ai beaucoup de compassion pour les personnes âgées car il me semble qu’il doit être terrible d’arriver à une heure où on sait qu’il ne nous reste plus beaucoup de temps. On ne connaît pas le moment exact de notre mort, mais on sait qu’il approche; on fait le bilan, on a des regrets, on multiplie les deuils presque quotidiennement, on perd tout ce qu’on aimait, peu à peu. Si en plus on a la malchance d’être très malade, on est souffrant inutilement, car on sait que la guérison ne peut être que provisoire, que la maladie reviendra à coup sûr, qu’on ne retrouvera jamais vraiment la santé. Et si par malheur on est hospitalisé, on sait que cela va accélérer la finale. On sait qu’on vient de tout perdre d’un coup, non seulement sa santé, son autonomie, sa liberté, mais aussi toute possibilité de mourir avec dignité.

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One Response to “être vieux à l’hôpital”

  1. 1
    Daniel:

    C’est quand même assez débile de penser que c’est ça hein? Moi je suis un peu précoce et lorsque j’ai eu 40 ans j’ai fait le même bilan. Quand t’es p’tit tu penses jamais à ça mais quand tu « vieillis » c’est plus pareil, ça devient de^plus en plus une réalité. Go le gym et les antioxydants! Faisons des enfants et faisons surtout semblant qu’on a une masse de blé en banque! Y en a peut-être un ou deux qui va vouloir s’occuper de nous lorsque nous serons vieux et malade. Comme disait la chanson:

    When I get older losing my hair many years from now,
    Will you still be sending me a Valentine, birthday greetings, bottle of wine?
    Will you still need me, will you still feed me,
    When I’m sixty-four?

    John Lennon & Paul McCartney

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