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mon cheminement en soins infirmiers

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avant-propos

Il y a plus de 10 ans que je travaille chez Bell Canada. J’y suis bien payée surtout en comparaison de l’effort que je fournis car le travail que j’y effectue est nettement en-dessous de mes capacités. Je ne dis pas cela pour me vanter, la moitié de mes collègues sont dans la même situation. C’est un mal généralisé que celui des emplois par défaut, quand on a étudié longtemps pour toutes sortes d’excellentes raisons et qu’au bout du compte on s’aperçoit qu’on ne pourra pas occuper un emploi relié à nos études.

Personnellement, j’aurais voulu enseigner, enseigner l’histoire ou le français. J’avais en tête une idée très romantique de l’enseignement, renforcée par le fait que j’ai étudié dans un collège privé à une époque où les défis posés par l’enseignement relevaient davantage de l’académique que du disciplinaire. Or, pendant mes études universitaires, j’ai connu des gens qui débutaient en enseignement, et d’autres qui étaient déjà professeurs depuis quelques années ….désillusion totale. Liste de rappel, charge de cours, temps partiel, conditions précaires …. classes hors de contrôle, responsabilité de groupes en « cheminement particulier » sans avoir reçu la formation adéquate, aucun soutien de la direction qui ne veut affronter ni les parents ni les étudiants ……. J’ai vu le désarroi dans les yeux de mes amis qui avaient été appelés pour enseigner une matière qu’ils n’avaient jamais étudiée et qui ne les intéressait pas : enseignement religieux, morale, ou pour faire du remplacement, et quand à la mi-août et ils attendaient toujours l’appel qui leur annoncerait une charge de cours pour la session qui vient, avec quelques jours seulement pour se préparer…… Ils m’ont raconté leurs péripéties avec leurs étudiants au secondaire, qui sont rois et maîtres dans la classe, à qui on ne peut jamais déplaire, qu’on ne peut jamais pénaliser, critiquer, de qui on doit endurer toutes les insultes et tous les sarcasmes. Des élèves démotivés, fatigués, plus intéressés par leurs travail à temps partiel que par quoique ce soit à l’école, des histoires de fouilles de casiers, de cellulaires qui sonnent constamment en classe, d’écouteurs toujours sur les oreilles pendant les cours, d’arrogance, d’irrespect et de violence même.

Ce n’était pas l’idée que j’avais de l’enseignement. C’est bien entendu mon idée qui était fausse. Je me suis beaucoup penchée sur cette question : aurais-je dû être plus préparée pour mon avenir, plus décidée au sujet de ma carrière ou de mon métier, aurais-je dû, dès l’adolescence, prendre les mesures nécessaires pour réussir et atteindre un quelconque objectif …… J’en ai déduis que non. Je ne vois pas comment, à 15, 16 ou même 18 ans, on peut savoir ce qu’on veut faire du restant de ses jours, on peut connaître ses goûts, ses valeurs, ses intérêts …. surtout qu’on ne sait rien de la vie, du monde ….. je ne connaissais même pas l’existence de la plupart des métiers dont je me dis aujourd’hui : tiens, ça m’aurait intéressée de faire ça! Pour une étudiante dans un collège privé les choix étaient : avocate, médecin, comptable, administration (mba, bien sûr!), ingénieure ……. je n’ai jamais entendu parler de biologie marine, de recensement de la forêt boréale, de l’étude de la petite nyctale, de guider en kayak, d’être moniteur de voile, professeur de chant, et j’en passe.

Bien sûr, des gens font ces métiers, ils ne sont pas secrets. Mais comme je n’ai jamais été du genre passionnée, je me suis toujours éparpillée dans des dizaines d’activités, sans jamais approfondir suffisamment pour me demander : pourrais-je en faire un métier? Même à la maîtrise, à l’université, l’idée de l’emploi ne me venait pas. Je ne me demandais jamais où j’allais travailler, quand et à faire quoi. Au bout du compte, ce n’est pas une mauvaise chose : j’ai passé toutes ces années à apprendre pour apprendre, sans aucun objectif de carrière, juste pour le plaisir, sans angoisse, sans pression.

Mais au bout du parcours, quand l’école a été finie et qu’en septembre mon employeur m’a proposé de passer du statut d’employée étudiante à celui d’employée tout court, je ne voyais pas vraiment ce que je pourrais faire d’autre, et j’ai dit oui.

J’ai passé 11 ans et demi chez cet employeur. Le travail que j’y fais ne m’écoeure pas. Il est seulement complètement vain. Comme le dit James Taylor au sujet d’un tout autre métier : « millwork ain’t easy, millwork ain’t hard, millwork it ain’t nothing but an awful boring job » ….. Je pourrais aussi citer Gillian Welch « i’ve never minded working hard, it’s who i’m working for … »

Et j’ai fini par me demander combien de temps je pourrais continuer à faire jour après jour, 8 heures par jour, un travail que je sais parfaitement inutile et sans intérêt, pour une grosse corporation qui rationnalise et sous-traite à tour de bras, sous prétexte que c’est relativement payant. Je disais toujours que j’attendais d’être congédiée pour changer de voie, trouver autre chose à faire, que cela ne saurait tarder, puisque tous mes collègues se font montrer la porte cavalièrement depuis plusieurs années.

Mais si cela n’arrivait pas tout de suite? Si je n’étais pas « remerciée » avant 5 ou 6 ans ….. que ferais-je passé 40 ans quand on m’annoncerait que je n’ai plus de job, moi qui ne sait strictement rien faire? Je dis rien faire, mais c’est faux, je sais faire toutes sortes de choses, toutes plus inutiles les unes que les autres pour se trouver un emploi. Je savais que je me retrouverais dans un centre d’appel quelconque, ou au mieux dans une job administrative semblable à celle que j’occupe actuellement, mais moins bien payée ….. jusqu’à ce qu’on nous congédie à nouveau, etc.

Je me suis dit qu’il était temps de prendre une décision, de prendre les devants.

J’ai fait une liste des métiers que je considère vraiment utiles, de façon désintéressée, c’est à dire utiles intrinsèquement, et non pas utiles à faire faire du cash à la compagnie, ou quelque chose du genre. Il y en a peu, très peu. Par les temps tourmentés qui courent, je suis profondément convaincue que la seule occupation qui ait maintenant du sens est de soulager un tant soi peu la douleur de ceux qui souffrent. Il y a plusieurs façon de soulager la souffrance, par exemple je crois que les artistes parviennent à le faire.

Pour ma part je ne suis pas une artiste et la liste de mes talents et aptitudes n’est pas si longue. Le temps dont je dispose non plus, et l’argent encore moins.

J’ai décidé de retourner aux études en soins infirmiers, Un programme de deux ans au Cégep de Maisonneuve, où j’ai étudié il y a 20 ans maintenant.

J’ouvre ce blog pour témoigner de mon parcours, qui ne sera certainement pas sans embûche. Première étape : être admise au programme!

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5 Responses to “avant-propos”

  1. 1
    Antoine Isoir:

    Stephanie

    As-tu etudiee en histoire a l<universite de sherbrooke au tournant des annees 90?

    Une petite brune petillante et extremement brillante?

  2. 2
    Christophe Ashkar:

    Bonjour Stéphanie,

    Es-tu LA stéphanie Beaucaire avec qui j’ai été à l’école Michelet et aux Eudistes???

  3. 3
    admin:

    oui, c’est moi :)

  4. 4
    Catherine:

    Bonjour, je suis tombée par hasard sur votre site Internet en naviguant afin d’obtenir des informations afin de suivre un cours de chimie de 5e secondaire nécessaire à l’admission en sciences infirmières.
    Votre histoire de vie me rejoint vraiment, tout comme vous j’ai fait de nombreuses études (collégiales et universitaires) et aujourd’hui je travaille dans un emploi (que je nommerai pas) depuis plus de 10 ans qui ne me satisfait pas du tout. Le salaire est merveilleux, les avantages et conditions également mais je ne m’y réalise pas du tout. J’ai 36 ans ! Depuis plus de 10 ans que la profession d’infirmier me trotte dans la tête et jamais je n’ai osé vers le grand saut ! Ceci demande un très grand courage de laisser un emploi comme le vôtre et vous m’inspirez !
    Bravo !

  5. 5
    admin:

    Merci :) n’hésitez pas à changer, c’est très stimulant, ne serait-ce que le sentiment d’être libre et de n’en faire qu’à sa tête, c’est très dissident par les temps qui courent!! bonne chance !

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